mercredi 13 janvier 2021

Octobre – novembre 2020 : 8 semaines d’HP

La rechute tant redoutée survient malgré tous nos efforts pour l’éviter. Le psychiatre de mon groupe de parole a eu ces mots : «  Comment voulez-vous lutter contre la nature ? » Il fait allusion à la chute d’hormones qui a lieu après l’accouchement et qui provoque chez certaines femmes une dépression post-partum. Je mets du temps à comprendre que c’est une dépression, je ne veux pas me l’avouer. Je reste optimiste la plupart du temps et je rigole aussi beaucoup (grâce à mes collègues[1]), je pleure très peu. Eh bien cette fois j’aurai appris que chaque personne réagit différemment lors d’une dépression.




Vouloir allaiter coûte que coûte, pratiquer le cododo en ayant peur toutes les nuits d’écraser son bébé, se sentir seule alors que le mari a pris 2 mois de congé parental, être à fleur de peau et ne supporter aucune critique, ne pas vouloir dormir la journée parce que c’est l’été et que c’est trop tentant d’aller dans le jardin et de passer du temps avec la famille, les amis et sur Instagram, bien faire attention à accorder au moins 15 minutes par jour à ma grande…

Ce deuxième bébé c’était celui où je voulais me rattraper, ne pas rater une miette de son développement, réussir un allaitement long, essayer de nouvelles choses. Je m’étais préparée à fond (peut-être trop) : podcasts et lectures passionnants sur l’allaitement, l’accouchement naturel et sous hypnose, inclure l’ainé dans les préparatifs.  

Juste avant l’internement, je sais que la crise psychique arrive et mes efforts ne font que la reculer de quelques jours, car il est déjà trop tard. ENCORE une fois, j’ai POUSSÉ le bouchon un peu trop loin. Depuis la naissance, je me sens coupable parce que je ne fais pas l’effort de dormir en journée. Je sais que je joue avec le feu, mais j’ai du mal à mettre mes envies de côté après une grossesse fatigante, un confinement en télétravail avec ma grande à la maison et toutes les restrictions subies depuis le mois de novembre 2019, moment où j’ai appris ma grossesse. Ce que les soignants appellent mon « perfectionnisme » ou mon « besoin de viser toujours très haut » prend le dessus et je finis exténuée physiquement et mentalement. Après quelques jours à très mal dormir, il n’y a plus d’issue, retour à la case 0.

 

Malgré tout, cette maladie fait partie de ma vie et j’ai vécu tellement de bonnes choses depuis 2014. J’ai allaité Lilou pendant 3 mois et demi, j’ai continué à tirer mon lait la première moitié de mon internement (c’était une aberration pour ma forme physique, mais nécessaire à mon équilibre psychique), je l’ai portée dans l’écharpe de portage prêtée par une collègue de travail, j’ai passé deux mois magnifiques malgré la difficulté des débuts à m’occuper de mon bébé alors que mon mari, mes parents et mon frère s’occupaient du reste. Ça a été un début de post-partum idéal par rapport à celui de ma première fille. Il faisait beau et chaud, on passait beaucoup de temps dans le jardin ou sur le balcon, Georgeounet me préparait tous mes repas (même le petit déjeuner servi sur le canapé).  On s’était organisés pendant la grossesse et des proches sont venus nous rendre visite et ont apporté le repas. On a bien dosé les visites (toujours un ou deux jours de pause entre deux visites) et on a pu bien profiter de la famille et des amis qui sont venus faire la connaissance de Lilou.

 

Pendant ces 8 semaines tellement difficiles, j’ai paradoxalement passé de très bons moments avec les personnes rencontrées à la clinique (j’ai eu beaucoup de chance cette fois). Je ne sais pas comment j’aurai fait sans eux. J’ai prié, alors que je ne suis pas religieuse, mais ça m’est venu comme une nécessité, presque un réflexe de survie. Et j'ai pratiqué la gratitude. Je me suis promenée presque tous les jours et j’ai beaucoup dansé dans ma chambre. Grâce à cela et au contact ininterrompu avec ma famille, j’ai guéri.

En accord avec mon optimisme et ma détermination, je ne veux pas coucher sur le papier les moments noirs cette fois, et il y en a eu ! Je veux me rappeler de cette force intérieure que j’ai et qui m’a permis de me relever assez rapidement de cette nouvelle épreuve que j’ai dû traverser.

 

« Nimm dir die Zeit, um richtig gesund zu werden“

« Accorde-toi le temps de vraiment guérir »

Shadi


M E R C I

 



[1] J’appelle « collègues » les patients avec lesquels je suis internée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Cohabiter avec ses parents   Nous avons fait réalité, il y a 6 ans, ce qui serait un cauchemar pour beaucoup : nous vivons avec mes pa...