vendredi 16 août 2019

Un séjour en HP, ça ressemble à quoi?


Après trois séjours de 2 à 6 semaines passés en hôpital psychiatrique, je voulais partager mon expérience ici. Dans mon cas il s'agit de trois hospitalisations pendant un épisode psychotique avec paranoïa. J'y suis toujours allée de mon plein gré, même si une fois arrivée, je ne voulais pas y rester. Je n'ai subi aucune violence et ai été très satisfaite à chaque fois des soins reçus. 



Je commence par ce qui m'a le plus marquée: l'ennui. Comme tout séjour en hôpital, le patient passe beaucoup de temps dans sa chambre, limité dans ses faits et gestes. Le plus difficile c'était d'avoir la patience de prendre le temps de guérir. Une maladie mentale se guérit très, très lentement. J'ai passé des heures dans ma chambre à regarder par la fenêtre, tourner les pages d'un magazine ou faire des allers-retours à la salle commune. 

Les premiers temps je n'avais pas mon portable avec moi. Heureusement, parce que je n'aurais pas été en mesure de gérer les appels ou messages reçus. L'un de mes symptômes dans la période d'après-crise était l'hypersensibilité aux écrans et la fatigue oculaire. Donc pas de télé pendant des semaines, temps de portable et d'ordinateur très réduit. Je ne pouvais pas lire non plus. Ma concentration ne suffisait pas pour suivre un long texte. La seule chose que je pouvais faire, c'était de feuilleter des magazines ou des albums photos. L'album photo, c'est un excellent outil. Il permet de se distraire tout en donnant un sentiment de sécurité. Je revoyais les bons moments passés en famille ou entre amis et cela me rassurait sur qui j'étais et ce qui m'attendait dehors. 


Etant donné que j'arrivais à chaque fois dans un état d'épuisement avancé, je passais les premiers jours à beaucoup dormir. C'est le paradoxe de l'épisode psychotique: physiquement, on est au bout de ses forces, car on a trop donné et psychiquement, les pensées s'emballent, nous empêchant de dormir. Il est impossible de déconnecter et donc de se détendre. Au bout de trois ou quatre jours, la grosse fatigue passée, je pouvais commencer à essayer de comprendre ce qui m'était arrivé, à décider de mon emploi du temps et à poser des questions sur mon traitement. Il faut savoir que rien ne m'a été jamais imposé. Lors de mon troisième séjour j'ai été interdite de sortie non accompagnée, parce que je m'étais bien énervée lors d'une conversation téléphonique dans la cour. 



Le traitement

Au moment de l'arrivée, je ne suis plus moi-même. J’en suis arrivée à un point de non-retour tel, que la prise en charge devient inévitable. A la maison, mon mari arrive à me convaincre tant bien que mal de nous rendre à l'hôpital (la première fois c’est moi qui lui demande de m’y conduire). Une fois là-bas, c'est de nouveau des heures de négociation avec lui et le personnel médical, car je ne veux pas y rester. Ils ne peuvent pas garder quelqu'un de force (sauf si le patient est livré par la police). Une fois que j'accepte, j'ai droit à mon comprimé de somnifère étant donné que je n’ai pas dormi correctement depuis trois nuits. Le sommeil, c'est la priorité pour permettre au cerveau de se reposer. Quand, au bout de quelques jours de repos, je commence à sortir de ma chambre, je refuse le somnifère. Puis j’oppose quelques réticences à prendre du Rispéridon. Je n’ai qu’un milligramme, pourtant, je préfère rester en monothérapie (mon médicament principal étant la Quétiapine, que je prends depuis 2016). Il est difficile de négocier avec les aides-soignants et les médecins sont toujours très occupés. Je finis par accepter le nouveau traitement.



Le rapport aux autres patients

Je crois que j’ai eu de la chance dans l’ensemble. A part quelques exceptions, les patients étaient en général plutôt calmes. L’arrivée d’un nouveau patient se fait parfois remarquer (il est en pleine crise et il faut attendre quelques heures pour que le traitement fasse effet). Je me suis fait des « copines », je pouvais discuter avec plusieurs personnes et j’ai même rencontré des gens sympas d’autres stations lors d’activités communes.

Dans l’ensemble, j’ai eu le sentiment qu’il n’était pas toujours évident d’écouter les autres lorsqu’on a soi-même autant de problèmes. Il y a des moments très émouvants, lorsqu’en thérapie de groupe, on se rend compte qu’on n’est pas seul avec nos sentiments.

Lors de mon dernier séjour, je me suis rendue compte de l’influence que chaque patient a sur les autres. C’est comme si chacun voulait protéger celui qui en est à un stade moins avancé de la maladie de choses qu’il n’a pas encore vécues. Chaque patient devient aussi thérapeute des autres. On se conseille les uns les autres et on protège les autres dès qu’on le peut.

Il y a aussi une sorte de concurrence pour se positionner par rapport aux autres selon son propre degré de maladie. C’est comme si chacun essayait de se hisser le plus haut possible sur la liste des prochains patients à avoir le droit de sortir. Pour tout ceux qui ne sont pas retenus de force (dans ces cas-là un juge décide de la date de sortie en cas de désaccord entre le patient et le corps médical), il est dans l’ordre des choses de suivre la date conseillée par les médecins (sûrement aussi pour des questions de remboursement des soins). Chaque jour de consultation par le médecin en chef (une fois par semaine), cette concurrence est encore plus palpable. C’est le moment clé où la suite des thérapies ainsi que la date de sortie sont décidées. Il y une sorte de course silencieuse à qui sortira le premier. C’est un sentiment très ambivalent, car même si personne n’a envie de rester à l’hôpital, un patient de HP craint la sortie au fur et à mesure qu’elle se rapproche. La sortie signifie être de nouveau livré à soi-même et peut impliquer une rechute si elle a lieu prématurément.

Ça a l’air prétentieux de dire cela, mais la majorité des patients avaient l’air d’avoir de gros problèmes et on me prenait souvent pour une aide-soignante. Je pense que j’ai simplement eu de la chance et que j’ai à chaque fois réagi très tôt (je n’ai pas laissé la psychose s’installer pendant des mois, parce que je connaissais les symptômes de la maladie psychique et ai donc sû m’auto-dépister en quelque sorte). Pour les autres, on voyait que leur maladie était plus grave et/ou leur environnement social beaucoup moins favorable. Disons que je n’étais pas une personne à risque, mais que, même si rien ne m’y prédestinait, je suis tombée malade. Je n’ai toujours pas bien compris dans quelle station j’étais ; était-ce la station des angoissés ou de tout le reste (en dehors des stations dépression et dépendances) ?

En tout cas, comme partout, il y avait différents types de personnes : l’habituée (celle qui se sent mieux à l’hôpital que chez elle), la petite vieille commère, la femme enceinte, le skateur plein de tatouages (il se la jouait terreur dans les couloirs et un jour il a fait dans son froc, désolée, mais c’était tellement drôle), le beau gosse, l’allumeuse, la jeunette rebelle, la jeune maman, le catho, la maniaque, celui qui dit qu’il est là parce qu’il n’y avait pas de place ailleurs (oui, oui, on y croit), la hyppie et le réfugié.

Ce n’est que lors de mon dernier séjour (le plus long) que j’ai souffert de l’influence des autres. C’était vraiment très dur de voir des personnes amenées par la police, de les entendre crier parce qu’on les attachait de force à leur lit et d’être en présence de personnes potentiellement violentes. Tout se faisant en communauté (la prise des repas inclue), on est tout le temps exposé. Même un patient avec qui j’avais pas mal discuté et qui était jeune père, dans la même situation que moi donc, a été attaché mon jour de sortie, ça m’avait vraiment donné le cafard.



Les thérapies proposées

J’ai participé à des thérapies de groupe et à des activités en plein air. Mon programme se ressemblait à chaque séjour : arts plastiques, expression corporelle ou gymnastique, marche à pied et chorale. Je passais beaucoup de temps à organiser mon emploi du temps et les rendez-vous médicaux et non médicaux d’après l’internement. Ma famille me rendait visite quotidiennement. Pendant les séjours, ma thérapie en ambulatoire était mise en pause.

En art plastiques, après environ 30 minutes de dessin sur un thème donné, chacun présentait sa création, puis il y avait un retour de la thérapeute. Il était parfois difficile de contenir son rire (devant les explications loufoques d’un dessin représentant l’infinitude de l’univers) ou ses larmes (lorsqu’on touchait au fond du problème pendant la discussion).

J’ai assisté à un cours d’expression corporelle et à quelques séances de sport, mais je n’étais pas assez en forme pour vraiment bouger. L’expression corporelle prenait souvent des allures de cours d’éveil pour enfants : chant, jeux de balle, etc.

Les promenades à pied autour de la clinique étaient très importantes pour moi : c’était la possibilité de profiter du grand air, discuter avec des patients d’autres stations qui avaient un travail comme moi et qui avaient l’air d’aller mieux que moi (les patients à la journée notamment).



Malgré l’état relativement dégradé des intérieurs, j’ai eu la chance d’être dans un établissement très agréable. Cette clinique dispose d’un jardin avec potager, d’un atelier pour travailler le bois, d’une petite chapelle et d’un fleuve et de champs à ses abords pour de belles ballades. 




Un beau coucher de soleil quelque part au Danemark.
C'est un autre ciel que j'ai tellement regardé depuis ma fenêtre à la clinique et qui m'a inspiré le titre de ce blog. 

Bonne rentrée à tous !


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