samedi 29 décembre 2018

Enfant trilingue

Ma fille, surnomée ici Choupie, vient d'avoir 2 ans! 2 ans et demi déjà que, d'abord dans mon ventre, puis après sa naissance, elle est au contact de trois langues quotidiennement. 
Étant moi-même bilingue (français-espagnol), je ne me suis pas posé beaucoup de questions pour Choupie. La seule question sur laquelle j'ai fait quelques recherches pendant ma grossesse, c'était de savoir si je pouvais parler dans mes deux langues à ma fille. Bien évidemment je sais qu'il faut, dans l'idéal, respecter le principe d'une langue = une personne, en général un parent. Mais j'ai aussi trouvé des arguments pour le une langue = une situation, un environnement précis. Il serait donc possible d'après certains spécialistes de déroger à la règle d'une langue représentée par une personne pour associer une langue à un contexte donné. Dans notre cas, j'applique cette règle lorsque nous sommes en vacances en Espagne, alors je me permets de parler à Choupie en espagnol. Je le fais aussi parfois quand nous parlons, ma mère, Choupie et moi. Alors, je dis certaines phrases à Choupie en espagnol. Pour moi, ce serait vraiment bizarre de ne jamais parler à ma fille dans ma deuxième langue. Elle fait aussi partie de moi, donc je ne vois pas pourquoi je devrais réprimer cette envie. Cependant, je pense qu'il faut restreindre l'usage de l'espagnol à ces deux situations précises afin d'éviter de créer des confusions chez Choupie.
Au début, chacun a donc parlé naturellement sa langue avec elle, à savoir son papa et à la crèche l'allemand, sa mère et son grand-père le français et sa grand-mère l'espagnol. Elle est en contact quotidiennement avec toutes ces personnes car mes parents sont nos voisins. Bien avant qu'elle ne commence à parler, on s'est rendu compte qu'elle comprenait tout ce qu'on disait dans les trois langues. Choupie a commencé à parler cette année et ses premiers mots ont été dans le désordre : papa, mama, este, esta (celui-ci, celle-ci en espagnol), ya está (ça y est en espagnol), ist (est en allemand) et ja (oui en allemand). Depuis quelques semaines elle a commencé à apprendre plus de mots, à en répéter beaucoup et aussi à les associer entre eux. En ce moment, elle joue souvent avec sa petite cuisine et ses accessoires et nous sert une part de pizza ou une tasse de café. Selon la personne à qui elle tend l'objet, elle dira chaud (prononcé sau), heiß ou quema (prononcé mema). Elle connait la plupart des mots dans les trois langues, mais quand elle ne connait le mot qu'en allemand par exemple, alors elle l'utilise avec tous en allemand. C'est le cas pour Brot (pain en allemand) et ja. Elle fait des associations comme au lit ou papa douche. Pour l'instant elle a utilisé quelques verbes en allemand et en français : Choupie gemalt (Choupie dessiné) ou maman danse et mama tanzen. Souvent, on remarque que quand il lui manque un mot dans l'une des langues, c'est qu'il est plus difficile. Elle arrive donc à reproduire les mots plus faciles comme par exemple Wurst et saucisse (la correspondance espagnole salchichón étant plus difficile) ou alors couche, compresa (Windel étant le mot manquant). 
Pour l'instant, tout se passe très bien. On remarque que l'allemand est sa langue dominante, mais c'est tout à fait normal. Quand elle était toute petite, je me demandais si elle parlerai espagnol, sa langue minoritaire. Maintenant je peux dire que c'est bien parti. Tout s'est fait naturellement et même si on avait déjà l'exemple de mon frère et moi dans la famille, c'est toujours aussi bluffant de voir un si petit être passer comme ça d'une langue à l'autre. Finalement le seul "effort" à fournir, c'est de veiller à lui proposer des livres dans les trois langues et pas seulement en allemand. 
Pour moi, ce qui est un peu difficile et que j'essaie de contrôler, c'est d'éviter de lui parler en allemand lorsque nous sommes en contexte monolingue allemand. Si je suis de sortie avec Choupie, mes copines et leurs enfants, alors je me surprends à parler à Choupie aussi en allemand afin que les autres comprennent. Il y a souvent des situations où on s'adresse à l'enfant et on souhaiterait que les autres comprennent aussi. Là je me force vraiment à rester en français, car je pense qu'à terme, cela pourrait faire gagner du terrain à l'allemand et peut-être même conduire au scénario que j'ai si souvent entendu chez d'autres mamans françaises: je lui parle en français, mais il me répond en allemand. Et surtout, on ne respecte plus la règle d'or un parent = une langue. 
Au-delà du côté "ouah, mon enfant parle trois langues!", en cette période de grands progrès dans l'aire du langage, on est surtout contents de pouvoir mieux communiquer avec elle et de l'entendre dire de nouveaux mots chaque jour. Ce n'est pas si différent que pour une famille monolingue finalement. 
Et pour finir, je vous conseille deux blogs sur le même sujet que j'aime beaucoup. Le blog d'une copine de l'époque où j'étais assistante dans un collège allemand. Elle a fondé une famille franco-turque en Allemagne (mon-enfant-trilingue.over-blog.com). Et celui de Margarida, Catalane vivant à Nantes, qui parle dans ses deux langues à sa fille (lesmotsdemarguerite.com).




vendredi 21 décembre 2018

Mon quotidien sous anti-psychotiques

Après trois épisodes psychotiques en quatre ans, j'ai décidé de continuer à prendre mon traitement afin d'éviter une rechute. Cette décision est mûrement réfléchie. En 2017, après la deuxième rechute, j'ai enfin accepté ma maladie et le fait de devoir prendre un traitement de longue durée. 

Au quotidien, la maladie pèse plus ou moins sur tout ce que je fais, selon l'espace-temps qui me sépare d'un épisode. Plus je m'en éloigne et moins j'y pense, moins je fais attention à moi. C'est presque impossible d'être tout le temps sur le qui-vive, la routine l'emporte et le stress ou la fatigue finissent par revenir dès que je baisse un peu la garde.


Le sommeil

Le traitement sur la durée, à savoir de la quétiapine, un anti-psychotique à prendre tous les soirs, signifie que je ne dois pas oublier de le prendre à heure plus ou moins fixe. Comme à la bonne vieille époque de la pilule! Après plusieurs essais au début, j'ai finalement adopté l'horaire suivant: 18-19h en semaine et 19-21h le week-end. J'ai remarqué que la fatigue que produit ce médicament persiste le matin si je n'espace pas la prise et le lever de 12 heures. En revanche, le soir, je fatigue, voire je m'endors carrément, environ trois heures après la prise du médicament. Il faut donc bien que j'y pense tous les soirs pour ne pas être dans les vapes le lendemain matin. Il m'arrive d'avoir sommeil très tôt le soir, ce qui est un peu handicapant quand on reçoit des amis ou si on sort. Et le week-end, j'ai beaucoup de mal à me lever le matin.  

La consommation d'alcool

Et puis il y a l'alcool.... grand problème pour moi de ne pouvoir de temps à autres déguster un bon verre de rouge ou un petit muscat ou bien même une margarita. Quand j'associe alcool et médicament (oui, je sais...), le soir, dans mon lit j'ai des fourmillements dans les membres. Donc autant dire que je ne l'ai pas fait souvent. Ce que je fais parfois, c'est que je m'autorise un verre et je fais l'impasse sur le médicament ce jour-là. J'ai fini par l'avouer à ma psychiatre cette semaine qui m'a répondu que ça n'était pas grave tant que ça restait ponctuel (une fois tous les deux mois environ). 
L'alcool, c'est aussi un élément culturel de consommation courante, si bien que les gens ne comprennent pas toujours qu'on n'en consomme pas. J'ai toujours droit aux réflexions: "T'es enceinte?" ou "Tu ne bois pas d'alcool?", "Allez, un petit verre ça ne fait pas de mal". 

Les effets secondaires

C'est ce qui me faisait très peur au début et puis maintenant je n'y pense plus trop. Je ne me suis pas vraiment renseignée. Maintenant je ne vois plus le traitement comme un ennemi, mais comme un allié. C'est grâce à lui que les angoisses et autres troubles psychiques sont sous contrôle, donc heureusement qu'il existe.
Le principal effet secondaire, après la fatigue, c'est la prise de poids. La quétiapine et l'olanzapine que je prenais avant ma grossesse m'ont fait prendre 10 kilos. J'étais mince, donc le changement ne choque pas trop, mais ça m'embête surtout au niveau du ventre, là où ça se voit le plus.
La majorité des neuroleptiques sont photosensibles, le mien y compris. Ça veut dire pour moi haute protection solaire obligatoire tout l'été sur le visage. Malgré cela, j'ai quelques taches qui sont apparues ici et là.

La vigilance en permanence

Prendre un anti-psychotique cela ne suffit pas à éviter de tomber malade, il faut aussi y mettre de la volonté. Il faut changer certaines habitudes, éviter la fatigue et le stress autant que possible. D'un naturel plutôt à tout faire à la dernière minute, j'ai appris à m'organiser et à mieux répartir mes tâches. Maintenant je prépare les contrôles pour mes élèves deux semaines à l'avance, j'organise toutes les photocopies pour la semaine le lundi ou le vendredi d'avant. A la maison, j'ai appris à lâcher du lest, tant pis si je suis trop fatiguée pour ranger la cuisine le soir ou lancer une machine, je laisse pour le lendemain.

Peut-être que la méditation, le yoga ou le changement de certaines habitudes me permettrait de vivre sans traitement. Peut-être qu'il existe des alternatives naturelles. Mais le traitement c'est la sécurité, et même avec, ce n'est pas l'assurance que je n'aurai plus de rechute. Il me permet de garder à peu près le même rythme de vie qu'avant. Je travaille 16 heures par semaine, je m'occupe de la maison et de ma fille.

© Copyright décembre 2018 Lucie Lebe Tous droits réservés 

mardi 4 décembre 2018

Maladie mentale: les symptômes qui persistent après la crise

La maladie mentale, c'est plus complexe que la maladie physique. Déjà ça ne se voit pas, donc c'est plus difficile à comprendre et à accepter. Et puis difficile de dire à partir de quel moment on est guéri puisque souvent, il faut prendre des médicaments pendant longtemps pour éviter une rechute. Aujourd'hui je veux parler des symptômes qui persistent après une crise. Il y a trois phases dans la maladie mentale: les signes avant-coureurs, la crise et la rémission. On est guéri à partir du moment où l'on retrouve sa stabilité, ou l'on est "stable" comme disent les médecins. Retrouver la stabilité cela demande du temps, même si le "gros" de la maladie, c'est-à-dire la crise, est passé, certains symptômes sont encore là. 
A titre d'exemple, les signes avant-coureurs peuvent être beaucoup de stress, du manque de sommeil et des angoisses. La crise, ce peut être un épisode psychotique. Et les symptômes qui surviennent après ou qui persistent sont les angoisses, le stress et les troubles du sommeil. 
Dans mon cas, les mois suivant un épisode psychotique (voir ma maladie mentale), j'ai dû faire face à ces symptômes. Alors que je n'avais jamais eu d'angoisses, sont survenues certaines peurs qui ont heureusement disparu aujourd'hui. 
Pendant presque un an, je n'ai pas pu conduire. D'un coup, au volant, j'avais peur et je devais m'arrêter immédiatement. Sans raison, une angoisse surgissait, m'empêchant de continuer. La nuit aussi, il m'arrivait de me réveiller en ayant peur. Il fallait allumer la lumière et au bout d'un moment, ça passait. Le problème, c'est que ça pouvait surgir à n'importe quel moment et que je ne savais pas de quoi j'avais peur. Assez rapidement, je me suis rendue compte, que le fait d'en parler avec quelqu'un m'aidait. Comme si la communication m'ancrait dans le réel et faisait s'envoler cette peur irrationnelle. Je commençais donc à parler à la personne la plus proche quand cela arrivait: "J'ai peur! - De quoi as-tu peur? - Je ne sais pas. - Comment je peux t'aider? - Ça m'aide d'en parler. etc." Et petit à petit, à dire ce que je ressentais et ce que j'étais en train de faire, la peur disparaissait. Souvent c'était mon mari qui était à côté où que j'appelais par téléphone. D'autres fois, c'était une collègue ou un membre de la famille. 
Il m'est également arrivé d'avoir peur dans les transports en commun. Là c'était vraiment handicapant, car je me rends au travail en train. Cette peur-là, j'ai dû l'affronter parce que je n'avais pas le choix. Mais heureusement ça n'est pas arrivé très souvent. En revanche la peur en voiture, c'est en y allant petit à petit que j'ai pu la vaincre. Au bout de longs mois sans conduire, j'ai décidé d'affronter ma peur, car je ne voulais pas que cette phobie s'installe. J'ai donc commencé par de petits trajets que je connaissais bien. Et puis, je me suis attaquée au trajet maison-collège (1 heure de route). Les premières fois, je devais m'arrêter à mi-chemin pour faire une pause. Puis j'appelais mon mari qui me rassurait et je repartais. 
Finalement, durant ces périodes, ce qui m'a aidée à m'en sortir, c'est d'abord la volonté de guérir et de retrouver une vie normale. Ensuite, le soutien de mes proches a été primordial. Mon mari était une sorte de coach à qui je pouvais tout le temps me confier. Ma mère, qui nous a rendu visite et est restée plusieurs semaines chez nous, m'a aussi beaucoup aidée à reprendre confiance. 

Quand on a une maladie psychique, le monde s'écroule. La vie normale s'arrête et on est catapulté, quelques heures, plusieurs jours ou plus longtemps dans le cas d'une psychose, dans une sorte de monde parallèle. On n'est plus dans la réalité, on la perçoit différemment. On est dans une sorte de pièce de théâtre où notre cerveau devient maître. On a des certitudes, souvent loufoques, qui nous font agir de manière étrange, voire dangereuse. La rémission est lente et on ne sait pas à l'avance combien de temps il faudra pour guérir. Au début, le malade et ses proches ont peur que cet état dure toujours, mais il y a des médicaments et des thérapies qui permettent de guérir. J'ai même rencontré des gens à l'hôpital qui n'ont pas été malades pendant 20 ans. 


Cohabiter avec ses parents   Nous avons fait réalité, il y a 6 ans, ce qui serait un cauchemar pour beaucoup : nous vivons avec mes pa...