La rechute tant redoutée survient malgré tous nos efforts pour l’éviter. Le psychiatre de mon groupe de parole a eu ces mots : « Comment voulez-vous lutter contre la nature ? » Il fait allusion à la chute d’hormones qui a lieu après l’accouchement et qui provoque chez certaines femmes une dépression post-partum. Je mets du temps à comprendre que c’est une dépression, je ne veux pas me l’avouer. Je reste optimiste la plupart du temps et je rigole aussi beaucoup (grâce à mes collègues[1]), je pleure très peu. Eh bien cette fois j’aurai appris que chaque personne réagit différemment lors d’une dépression.
Vouloir allaiter coûte que coûte, pratiquer le cododo en ayant
peur toutes les nuits d’écraser son bébé, se sentir seule alors que le mari a
pris 2 mois de congé parental, être à fleur de peau et ne supporter aucune
critique, ne pas vouloir dormir la journée parce que c’est l’été et que c’est
trop tentant d’aller dans le jardin et de passer du temps avec la famille, les
amis et sur Instagram, bien faire attention à accorder au moins 15 minutes par
jour à ma grande…
Ce deuxième bébé c’était celui où je voulais me rattraper, ne pas
rater une miette de son développement, réussir un allaitement long, essayer de
nouvelles choses. Je m’étais préparée à fond (peut-être trop) : podcasts
et lectures passionnants sur l’allaitement, l’accouchement naturel et sous
hypnose, inclure l’ainé dans les préparatifs.
Juste avant l’internement, je sais que la crise psychique arrive
et mes efforts ne font que la reculer de quelques jours, car il est déjà trop
tard. ENCORE une fois, j’ai POUSSÉ le bouchon un peu trop loin. Depuis la
naissance, je me sens coupable parce que je ne fais pas l’effort de dormir en
journée. Je sais que je joue avec le feu, mais j’ai du mal à mettre mes envies
de côté après une grossesse fatigante, un confinement en télétravail avec ma
grande à la maison et toutes les restrictions subies depuis le mois de novembre
2019, moment où j’ai appris ma grossesse. Ce que les soignants appellent mon « perfectionnisme »
ou mon « besoin de viser toujours très haut » prend le dessus et je
finis exténuée physiquement et mentalement. Après quelques jours à très mal
dormir, il n’y a plus d’issue, retour à la case 0.
Malgré tout, cette maladie fait partie de ma vie et j’ai vécu
tellement de bonnes choses depuis 2014. J’ai allaité Lilou pendant 3 mois et
demi, j’ai continué à tirer mon lait la première moitié de mon internement (c’était
une aberration pour ma forme physique, mais nécessaire à mon équilibre
psychique), je l’ai portée dans l’écharpe de portage prêtée par une collègue de
travail, j’ai passé deux mois magnifiques malgré la difficulté des débuts à m’occuper
de mon bébé alors que mon mari, mes parents et mon frère s’occupaient du reste.
Ça a été un début de post-partum idéal par rapport à celui de ma première
fille. Il faisait beau et chaud, on passait beaucoup de temps dans le jardin ou
sur le balcon, Georgeounet me préparait tous mes repas (même le petit déjeuner
servi sur le canapé). On s’était organisés
pendant la grossesse et des proches sont venus nous rendre visite et ont
apporté le repas. On a bien dosé les visites (toujours un ou deux jours de
pause entre deux visites) et on a pu bien profiter de la famille et des amis
qui sont venus faire la connaissance de Lilou.
Pendant ces 8 semaines tellement difficiles, j’ai paradoxalement
passé de très bons moments avec les personnes rencontrées à la clinique (j’ai
eu beaucoup de chance cette fois). Je ne sais pas comment j’aurai fait sans
eux. J’ai prié, alors que je ne suis pas religieuse, mais ça m’est venu comme
une nécessité, presque un réflexe de survie. Et j'ai pratiqué la gratitude. Je me suis promenée presque tous
les jours et j’ai beaucoup dansé dans ma chambre. Grâce à cela et au contact
ininterrompu avec ma famille, j’ai guéri.
En accord avec mon optimisme et ma détermination, je ne veux pas
coucher sur le papier les moments noirs cette fois, et il y en a eu ! Je
veux me rappeler de cette force intérieure que j’ai et qui m’a permis de me
relever assez rapidement de cette nouvelle épreuve que j’ai dû traverser.
« Nimm
dir die Zeit, um richtig gesund zu werden“
« Accorde-toi
le temps de vraiment guérir »
Shadi
M E R C I
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