Etant encore largement taboue, la
maladie mentale est méconnue et effraie. La majorité des personnes ont des a priori.
Par réflexe, on a tendance à ne pas prendre les personnes atteintes au sérieux.
C’est l’invisibilité des symptômes qui fait qu’il est parfois difficile de
croire qu’une personne physiquement en bonne santé puisse aller mal.
Je me rappelle avoir jugé ou m’être
moquée de proches en me disant que c’était bien pratique de tomber malade pour
éviter certaines situations. Maintenant je sais que l’humeur peut changer d’une
seconde à l’autre, que les angoisses peuvent être si envahissantes qu’elles empêchent
toute vie sociale, que le repli sur soi fait partie des symptômes annonciateurs
de la maladie mentale et que la paranoïa fait avoir des comportements bizarres (cf. post antérieur "ma maladie mentale").
Au début, aucun diagnostic n’est
posé, les médecins ont besoin de temps pour écouter et comprendre le patient.
Cela rend le début de la maladie très difficile, il n’y a pas de mots pour dire
ce que l’on vit. Durant une crise, la communication avec le patient est très
difficile, voire impossible. Il faut attendre de longues semaines, voire de
longs mois pour que le patient et le corps médical puisse comprendre ce qu’il
lui arrive. Durant cette période, difficile donc de dire à son entourage : « je
suis internée en hôpital psychiatrique, mais je n’ai pas encore de diagnostic.
J’ai peur de devenir folle. » Cela inquièterait tout le monde. D’autre
part, dû justement à cette stigmatisation, on réfléchit bien avant d’annoncer
telle nouvelle. Cela pourrait avoir des répercussions, sur le plan
professionnel notamment.
En dehors de cette phase
difficile qui suit la crise, je pense que la lourdeur du sujet fait qu’il soit
difficile à aborder. On ne lance pas entre le fromage et le dessert « Ah,
au fait, je fais des psychoses ». Souvent quand j’en ai parlé à mes
proches, on a parlé de toutes les étapes de la maladie, les causes et les
conséquences. Avec une amie que je vois rarement, on en parlait beaucoup et
même si ça me faisait du bien, j’avais toujours l’impression après de m’être
trop attardée sur le sujet et d’avoir gaspillé du temps de nos rares moments ensemble.
Alors avec d’autres, j’avais moins envie de rentrer dans les détails, car j’avais
besoin de parler d’autre chose.
Au travail, je ne veux pas en
parler. La première raison est que tout se répète et se déforme et que cela me
dérangerait vraiment que les parents et les élèves soient au courant. Par
rapport à mes collègues et à la direction, c’est plutôt par prudence. Dans le
contexte actuel, je sais que je serais épaulée et comprise, mais qui sait de
quoi l’avenir sera fait. C’est surtout par peur que cette information soit un
jour ressortie dans un contexte moins favorable que je n’ai jamais parlé
ouvertement de ma maladie. Cependant, si je venais à retomber malade, je ferais
peut-être le choix d’en parler pour pouvoir négocier une reprise du travail progressive
par exemple. Dans mon établissement, il y a eu cinq burn-outs en cinq ans, alors
ça devient malheureusement monnaie courante.
On met du temps à apprivoiser la
maladie, à l’accepter et à retrouver une vie normale. Dans ce contexte, il n’est
pas évident de s’ouvrir aux autres. Dans mon cas, j’ai traversé, après mon
premier épisode psychotique, les états de dépression, de déni, de colère
(pourquoi moi ??), de laisser-aller et finalement d’acceptation. A partir
de cette dernière étape très apaisante, on retrouve pleinement la confiance en
soi et on peut enfin prendre du recul sur la maladie. Là, le discours peut s’organiser
et il est plus facile d’en parler. Car oui, la maladie mentale est une maladie
du cerveau, la pensée et l’approche au monde sont réduites à néant ou fortement
déformées. Et ça, ça attaque sérieusement la confiance en soi. La maladie est
un tel bouleversement qu’on a vraiment l’impression de repartir de zéro. Avec
la peine et la douleur qu’implique la perte de sa vie normale. Le temps que le
cerveau s’en remette, on est limité dans ses actions, on ne peut pas mener une
vie normale. Et quand on est guéri, certaines limitations persistent. Mais la
confiance en soi revient.
Photo by Brett Sayles from Pexels |
Il faut absolument libérer la
parole à ce sujet, cela rendrait beaucoup de choses tellement plus simples. Cela
contribuerait sûrement à rassurer les patients. Ce serait bien si chaque
personne qui tombe malade sache qu’il existe des traitements et que cet état ne
sera pas perpétuel, que sa vie n’est pas fichue. Le sommeil, le temps et la
parole sont les remèdes naturels. Pour le reste, dans nos sociétés, place à la
chimie (cf. post antérieur "mon quotidien sous anti-psychotiques").
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